Le 1er octobre 2020, Olivier Mouchet, Directeur business unit hospitality de Septeo Hospitality (ex Sequoiasoft), participait à une table ronde organisée par Bpifrance dans le cadre de son événement Big 2020. À ses côtés, plusieurs intervenants d’entreprises spécialisées dans les services aux hôteliers-restaurateurs ont livré leur analyse des besoins fondamentaux et émergents dans la délicate période de crise sanitaire. Ils ont avancé des pistes de réflexion pour mieux maîtriser la distribution dans le secteur de l’hôtellerie. Se sont exprimés : Rémi Ohayon (API & You, P.D.G.), Maalik Arban (E-Axess, Chief Operating Officer), Frédéric Bonfils (Loisirs Enchères, D.G.), Sophie Lacour (Advanced Tourism, D.G.), Isabelle Falque (D-Edge, Global Marketing & Communication director), Caroline Leboucher (Atout France, D.G.).
L’intégralité de la table ronde est à retrouver ici, durée 1h15.
Serge Mesguich. Septeo Hospitality est un des grands acteurs sur le secteur des PMS (Property management system) avec des services sur-mesure totalement adaptés aux besoins de clients hôteliers et restaurateurs qui ne peuvent pas vivre sans, notamment les indépendants. Ces systèmes ont pu être perçus comme fonctionnant de manière trop fermée, davantage à la main des techniciens que des hôteliers. Parallèlement, toutes les tribunes parlant de tourisme et d’hôtellerie encouragent les hôteliers à se réapproprier une culture digitale.
Comment faire quand on sait l’importance des systèmes de réservation qui imbriquent de nouveaux codes et API (Applications Programming Interface) ? La crise hôtelière que nous traversons va-t-elle créer de nouveaux comportements ? Et de manière plus générale, comment vois-tu les choses évoluer au niveau de la distribution ?
Olivier Mouchet. D’abord, juste pour le rappeler, un PMS (Property management system) est un système d’exploitation pour un établissement, hôtelier principalement. Il permet de traiter les arrivées et départs, les encaissements, la partie comptable, la gestion des plannings et tarifs. Voilà pour le produit de base. C’est donc un outil essentiel pour tous les hôtels qui ne peuvent pas être exploités sans un système d’exploitation dédié. Il existe aujourd’hui de nombreux outils PMS sur le marché, des PMS français ou étrangers, anglo-saxons, allemands également.
Rappelons-nous qu’il y a quelques années, quand les OTA (Online Travel Agency) Booking et Expedia sont arrivés sur le marché, nous avons tous connu des hôteliers qui se référençaient sur 2, 3, 4, 5, 10 extranets différents dans lesquels ils rentraient leurs disponibilités, leurs tarifs, leurs descriptifs de chambres, les photos de l’établissement, etc. Un énorme travail. En 2006, sur un précédent poste que j’occupais, un hôtelier de Nice m’avait appelé au secours : « Il faut me fermer l’hôtel, j’ai fait une erreur dans ton extranet, j’ai mis 105 chambres à 5 euros au lieu de 5 chambres à 105 euros ! Tes cases sont inversées par rapport à celles de Booking ». J’ai mieux compris la cause du cafouillage quand cet hôtelier m’a révélé qu’il gérait à la main 30 extranets simultanément. C’était monstrueux !
Rapidement, il nous a donc été demandé le moyen de connecter notre outil PMS avec Expedia, Booking, Hotels.com, HRS et tous les autres OTAs. Le centre de la distribution étant alors chez ces OTAs en volumes, il fallait que les hôteliers y soient connectés pour se libérer de manipulations manuelles fastidieuses. Pour relever le challenge, nous avons travaillé avec les channel managers parce qu’ils ont initialement créé le modèle de connexion entre les plannings des hôtels et les OTAs.
Aujourd’hui, quand un hôtelier établit son cahier des charges pour un nouveau PMS, on est très loin d’une unique recherche d’outils d’exploitation pour l’établissement. Il nous demande de travailler sur trois axes majeurs.
Il y a donc une évolution majeure de ce qui est demandé à un PMS sur un écosystème à construire. Deux modèles existent pour les entreprises comme la nôtre : l’un consiste à rester sur son modèle de base et construire de multiples interfaces avec un appstore et un client qui fait ce qu’il veut. Il faut alors continuer à être bon dans l’analyse, savoir avec qui on veut travailler et faire des choix.
L’autre positionnement, qui est celui de Septeo Hospitality, consiste à être une structure qui fait des recommandations, guide et accompagne dans le temps. C’est ce que les hôteliers nous demandent, surtout en cette période financièrement très délicate. Ils ne savent plus où sont leurs clients, comment ils vont les faire venir à eux, ce qu’ils doivent mettre en œuvre. Il leur est indispensable de créer un site internet avec des pages au contenu qui rassure sur de nombreux aspects, y compris sur la Covid-19 et les mesures sanitaires déployées dans l’établissement. Elles doivent également raconter des histoires, expliquer par exemple quelles sont les activités et attractions à visiter dans le périmètre de l’hôtel. C’est cela le marketing de l’offre, il faut être capable d’avoir les outils pour le faire-savoir et contrôler ce qu’il se passe ensuite.
Notre écosystème a énormément évolué, il n’a plus du tout le côté autarcique qu’il avait il y a quelques années.
SM. Avec la Covid-19, pressens-tu déjà de nouveaux outils, ceux de demain, amenés par de nouvelles façons de consommer ? Le quotidien d’un hôtelier et les PMS vont-ils évoluer ?
OM. Disons que nous abordons les choses de façon assez pragmatique. Aujourd’hui, Septeo Hospitality passe beaucoup de temps à s’assoir à côté des hôteliers pour qu’ils nous expliquent leurs problématiques. On part d’abord du marché et des besoins des hôtels en matière de distribution, de commercialisation. En fonction des réponses, nous envisageons et développons des solutions adaptées. On a une stratégie BPI : built, partner ou invest. Je m’en explique.
Oui, le marché évolue, nous évoluons avec et continuerons à le faire. Concernant la partie digitale concrètement, quand l’hôtelier nous reçoit, il veut que nous cochions un maximum de points sur les questions du parcours clients, celui qu’il imagine pour sa clientèle dans son établissement. Nous devons être capables de lui répondre avec précision sur nos compétences : « Oui, ça je sais faire, ça je ne sais pas faire mais je saurai t’accompagner, ça on a déjà et on a aussi un partenaire… ».
L’hôtelier a aujourd’hui l’opportunité unique de reprendre la main sur sa distribution puisque les canaux sont fermés chez les OTAs, ou très peu ouverts, et que les clients ont besoin d’aller sur le site de l’hôtelier pour voir ce qu’il propose, être rassurés sur ce qu’il met en place, face au coronavirus notamment. Prenant en considération ce besoin de la clientèle d’aller à la rencontre de l’établissement, l’hôtelier doit être bon, avoir un site performant, faire des offres sur les réservations en direct s’affranchissant des plateformes. Une démarche « physique », face au client, doit également être mise en place pour le sensibiliser à la réservation hors des OTAs. L’OTA doit être utilisé par l’hôtelier pour un apport de clientèle, à convertir ensuite en direct pour chaque client fidèle, amené à revenir régulièrement. Sinon, c’est un investissement en distribution à pure perte.
SM. Notre enquête réalisée auprès des hôteliers en septembre 2020 a révélé qu’un des segments résistant à la crise était l’hôtellerie de taille moyenne, en province, hôtels budget ou trois étoiles. En creusant, on se rend compte que ceux qui surperforment sont ceux qui ont des marques et qui connaissaient bien leurs clients corporate, leur entourage également. Ils ont pu les rassurer et préserver une proximité. C’est un signe pour tout le monde demain. Même un client international aura besoin d’avoir un contact différent de celui de la plateforme.
OM. Exactement ! Aujourd’hui, la zone primaire, la zone de chalandise d’un hôtel n’est plus travaillée. Combien de gérants sont sortis récemment sur leur zone primaire ? Déposer leurs factures en face à face à la place de les envoyer, en profiter pour échanger avec l’assistante de l’entreprise et glaner quelques informations utiles… à l’ancienne, certes, mais c’est comme cela que ça marche ! C’est un monde de contact. On est sensibles aux e-mails que l’on reçoit mais plus encore aux démarches avec un échange humain, téléphonique s’il ne peut pas être en physique. Les hôteliers-restaurateurs ont la chance d’être dans un métier de contact, d’avoir les clients en face d’eux pendant plusieurs heures, plusieurs jours.
Il faut parler aux clients pour se les réapproprier.
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Distribuer / 19 octobre, 2020
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